La fin programmée des accords agréés va porter un coup dur à nos entreprises inclusives. Ce cadre d’actions favorables à l’emploi des travailleurs en situation de handicap vivra ses derniers jours en 2026. A l’occasion des 20 ans de la loi handicap de 2005, cri d’alerte sur la disparition d’un dispositif qui avait pourtant porté ses fruits. 

Plus d’une fois et dans bien des domaines, l’Etat s’est montré ambitieux et visionnaire et les entreprises ont embrayé. Mais quand dans leur application, des dérives sont constatées, plutôt que de les sanctionner l’administration incite le législateur à changer la loi. Ce qui souvent complexifie la mise en œuvre, décourage leurs auteurs et met fin aux initiatives.

Il en est ainsi de certaines dispositions initiées ou encouragées par la loi handicap du 11 février 2005, comme les accords d’entreprises au service de l’emploi des personnes handicapées mis en place en 2006.

« Taxe » pour une politique inclusive

La même loi qui engageait les entreprises à employer 6% de travailleurs handicapés sous peine du paiement d’une taxe compensatoire, prévoyait que les entreprises qui signaient avec les partenaires sociaux des accords triennaux assortis d’engagements de maintien dans l’emploi et de recrutement de personnes handicapées pouvaient, dans ce cadre précis, consacrer le montant de la taxe à cette politique plutôt que de la verser à un organisme sous forme d’une « contribution ».

Une voie responsabilisante

Beaucoup d’entreprises, et notamment celles qui étaient déjà les plus dynamiques en matière d’emploi de personnes handicapées, ont ainsi choisi cette voie, disposition contraignante mais responsabilisante, en accord avec leurs organisations syndicales et avec leurs collaborateurs mobilisés au sein des missions handicap. Le dialogue social en était enrichi, les équipes pouvaient s’approprier l’objectif national en faveur des travailleurs handicapés.

Priorité à l’emploi direct : oui mais !

MAIS ! La loi de 2018 (« pour la liberté de choisir son avenir professionnel »), réformant celle de 2005, supprime cette possibilité et oblige à verser le même montant sous forme de taxe à l’Agefiph, organisme national qui a pour mission d’aider les entreprises dans leurs efforts d’intégration des travailleurs handicapés, renforcé par là même dans un rôle de collecteur d’impôt. 

Objectif affiché de cette réforme ? Privilégier l’emploi direct. Les entreprises qui ne satisfont pas au taux minimal de 6% doivent payer plein pot sans possibilité de transférer cette contribution vers d’autres missions prévues par les accords : maintien dans l’emploi, sensibilisation en interne, communication, achats responsables (avec les Esat ou EA)…

Une mesure injustifiée

Aucune justification à cette mesure ! La très grande majorité des entreprises signant des accords agréés avaient de meilleurs taux d’emploi que les autres (source Dares 2021). Seule explication plausible : le besoin de « faire remonter » des sommes qui, bien entendu, seraient mieux utilisées parce que centralisées par un organisme public… Refrain déjà entendu !

Des acteurs dans la tourmente

Les résultats ne se sont pas fait attendre. Des missions handicap, dépourvues désormais de moyens, ferment. Les intervenants privés ou associatifs du domaine sont au tapis. Le secteur adapté ou protégé souffre. L’Agefiph, dont les moyens sont par ailleurs régulièrement menacés de ponction, n’est pas en mesure de se substituer à l’action que menaient les entreprises. La démotivation des acteurs s’installe.

Les derniers accords agréés ont été signés le 31 décembre 2023, pour trois ans. Pour les entreprises qui sont encore dans ce dispositif, ce sera la fin au plus tard le 31 décembre 2026. Et après ? Quand les accords seront totalement éteints, ne doutons pas que les chiffres d’intégration des travailleurs handicapés tomberont, sanctionnant cette dérive bureaucratique.

Faire confiance aux entreprises

Les ambitions gouvernementales sont sincères, les entreprises ne demandent qu’à s’y associer. Encore faut-il leur faire confiance, à elles, à leurs collaborateurs engagés, aux organisations syndicales, aux missions handicap, au tissu vivant de l’économie au service du social.

Ouvrons le dialogue !

Madame la Ministre du Travail, préservons et amplifions l’esprit de la loi de 2005. Donnons-nous les moyens, à travers la réhabilitation des accords d’entreprises, transparents et partagés, d’investir en faveur de l’intégration des personnes handicapées. 

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